Avec le réchauffement climatique et, in fine, des étés de plus en plus longs et chauds, les logements français mal isolés deviennent de véritables « bouilloires énergétiques » dès que les températures s’affolent. Ce qui n’est pas sans incidences sur la santé de leurs occupants, mais aussi sur leurs factures énergétiques. Explications.
D’après les données de Météo-France, la France a enregistré au cours des dix dernières années un nombre de vagues de chaleur trois fois supérieur à celui observé pendant toute la seconde moitié du XXe siècle. Le constat est préoccupant : avant 1989, on comptait en moyenne 1,7 jour de canicule par an, contre 9,4 jours sur la dernière décennie. Plus inquiétant encore : les projections climatiques indiquent que ce phénomène pourrait être multiplié par 10 d’ici 2100. Non seulement les températures extrêmes pourraient localement atteindre les 50 °C, mais la saison des fortes chaleurs tend à s’allonger, débutant désormais dès la fin mai et se prolongeant jusqu’au mois d’octobre.
Pour les plus sceptiques, sachez que le 1er mai 2025 restera marqué comme le plus chaud jamais enregistré à Paris depuis le début des relevés météorologiques. Ce jour-là, aux alentours de 16 heures, Météo-France a relevé 29,4 °C dans la capitale, un niveau qui dépasse l’ancien record de 2005 (28,7 °C). Et la tendance ne devrait pas s’inverser : d’après l’organisme public, l’élévation des températures moyennes pourrait grimper de + 2 °C d’ici 2030, atteindre + 2,7 °C à l’horizon 2050 et dépasser les + 4 °C à l’échéance 2 100…
« Bouilloire énergétique » : de quoi parle-t-on ?
Le terme de « bouilloire énergétique » désigne les logements qui, en été, deviennent insupportables à vivre en raison de la chaleur accumulée. À l’image des passoires énergétiques en hiver, ces habitats concentrent des défauts majeurs d’isolation, mais aussi de conception.
Selon l’ADEME, ils sont bien plus nombreux que ce que l’on ne pense : l’organisme public assure ainsi que près d’un logement sur cinq en France présente un risque de surchauffe estivale. Or, les professionnels de santé ne cessent de le répéter : lorsque la température intérieure d’un logement dépasse les seuils fixés par l’Organisation mondiale de la Santé – à savoir 26 °C la nuit et 28 °C en journée –, les risques pour la santé augmentent considérablement. Dans ces conditions, les habitants peuvent souffrir d’une aggravation de maladies cardiovasculaires ou respiratoires, de malaises, mais aussi de troubles du sommeil et de la concentration.
Bon à savoir !
L’été 2024 a été particulièrement meurtrier : selon Santé publique France, 3 700 décès liés à la chaleur ont été recensés, dont une majorité (près de 75 %) de personnes âgées de plus de 75 ans. Sur une période plus large, entre 2017 et 2024, ce sont 34 000 décès attribués aux épisodes de chaleur qui ont été enregistrés.
Bouilloire énergétique, que dit la loi ?
Jusqu’à récemment, les réglementations thermiques en France se concentraient sur l’hiver et la lutte contre les passoires thermiques jusqu’à ce que, le 1er janvier 2022, la réglementation (RE2020) mette en place un nouvel indicateur de confort d’été. Objectif : permettre de déterminer la performance d’un logement du point de vue du confort en période estivale. Autrement dit, en plus de s’attaquer à la passoire thermique, les pouvoirs publics ont également décidé de lutter contre la bouilloire thermique.
Concrètement, l’indicateur de confort d’été évalue la capacité d’un logement à résister à la chaleur. Il se décline en trois catégories : « bon », « moyen » ou « insuffisant ». Pour établir ce classement, plusieurs critères sont pris en compte : l’existence ou non de protections solaires extérieures, la qualité de l’isolation du logement, l’inertie thermique du bâtiment, le caractère traversant ou non du logement, mais aussi des équipements spécifiques tels que ventilateurs ou un système de climatisation.
Bouilloire énergétique et DPE
Dans le cadre du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), la mention du confort d’été devrait également gagner en importance : les autorités publiques envisagent depuis un moment maintenant une révision du cadre réglementaire. Débattue en janvier, une proposition de loi sur le calendrier de sortie des passoires thermiques suggérait ainsi l’élaboration d’un rapport sur l’intégration du confort d’été dans le calcul du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE). Un rapport qui n’a finalement pas vu le jour, la mesure ayant été rejetée de manière inattendue par les députés.
Le ministère du Logement, bien qu’écarté de cette première tentative, prépare néanmoins de nouvelles pistes. Dans les prochaines semaines, des propositions concrètes devraient être présentées afin de mieux prendre en compte le confort d’été dans le DPE.
Selon les professionnels du secteur, l’ajout de la notion de confort estival dans le DPE pourrait avoir des impacts notables :
Pour les propriétaires : les préconisations émises par les diagnostiqueurs pourraient inclure des solutions pour limiter la surchauffe des logements, comme la pose de protections solaires, l’optimisation de la ventilation naturelle ou encore le renforcement de l’isolation adaptée aux fortes chaleurs.
Pour les locataires : le diagnostic deviendrait plus représentatif de la réalité, car il ne se limiterait plus à la performance énergétique hivernale, mais évaluerait également la capacité du logement à rester vivable durant l’été.
Une certitude : si le confort d’été venait à être intégré officiellement, le DPE gagnerait en pertinence en tant qu’outil de pilotage des politiques de rénovation énergétique. Il permettrait non seulement d’accompagner la lutte contre les passoires thermiques, mais aussi de sensibiliser le secteur immobilier à l’urgence climatique.
Lutte contre les bouilloires énergétiques : l’isolation thermique, levier essentiel
On associe généralement l’isolation thermique à la protection contre le froid, mais son rôle est tout aussi crucial durant la saison chaude. Une enveloppe bien isolée agit comme une barrière qui empêche la chaleur extérieure de pénétrer dans le logement. Ainsi, comme le rappelle l’ADEME, une toiture ou des façades correctement isolées permettent de conserver une température intérieure agréable. Cette protection est d’autant plus indispensable dans les habitations considérées comme des « passoires thermiques » : difficiles à chauffer en hiver, elles se transforment en véritables fournaises lors des épisodes caniculaires.
Lutte contre les bouilloires énergétiques : le rôle primordial des vitrages et de leur orientation
Les surfaces vitrées influencent fortement la régulation thermique d’un logement. Pour limiter les apports solaires indésirables, il existe des vitrages spécifiques dits « à contrôle solaire ». Composés d’un double vitrage dont la face intérieure du verre extérieur est recouverte d’une fine couche métallique, ils sont capables de renvoyer jusqu’à 80 % du rayonnement solaire tout en préservant la luminosité naturelle.
L’orientation des ouvertures a également son importance. Des fenêtres orientées au nord ou à l’est réduisent l’exposition directe aux rayons du soleil aux heures les plus chaudes de la journée.
Enfin, les volets, les stores extérieurs ou encore les brise-soleils orientables représentent autant de solutions pour limiter l’entrée directe du rayonnement solaire dans l’habitation. Certains modèles connectés peuvent même s’ouvrir et se fermer automatiquement selon la température extérieure, garantissant ainsi un confort optimal tout au long de l’année.
Ventilation : naturelle ou mécanique ?
Renouveler l’air est indispensable pour limiter la surchauffe des logements. La solution la plus simple reste la ventilation naturelle : ouvrir les fenêtres la nuit ou tôt le matin pour rafraîchir les pièces. Mais cette pratique comporte des limites (nuisances sonores, insectes, sécurité).
La ventilation mécanique contrôlée (VMC), en particulier un appareil à double flux thermodynamique (capable de faire, entre autres, office de climatisation), offre une alternative bien plus efficace. Bien que plus coûteuse à l’installation, elle permet de réguler efficacement la qualité de l’air tout en limitant les pertes de fraîcheur en été comme de chaleur en hiver.
Plusieurs aides financières, dont MaPrimeRénov’, permettent d’en réduire le coût.
Quid des solutions complémentaires pour renforcer le confort d’un logement en été ?
Plusieurs dispositifs additionnels peuvent améliorer encore la fraîcheur des logements :
- Le puits canadien (ou provençal) : il utilise la température stable du sol, grâce à un réseau de conduits enterrés, pour rafraîchir l’air en été et le réchauffer en hiver.
- La végétalisation : planter des arbres, haies ou végétaux près des façades d’un logement favorise l’ombrage et apporte une régulation naturelle de la température.
- Une climatisation performante : bien qu’énergivore, elle reste parfois incontournable en cas de fortes chaleurs prolongées. Les modèles récents, plus sobres et économes, permettent d’allier confort et efficacité.




